Reportage Centre Itinérant

 
Une journée avec… le centre de distribution itinérant

 

8h30. Le jour peine à se lever et la brume est au rendez-vous quand le fourgon aménagé en épicerie quitte l’entrepôt de la  zone d’activité de Treillières. Dominique, le chauffeur, Catherine et Roseline sont arrivés près d’une heure plus tôt pour remplir les rayonnages, le frigo et le congélateur qui équipent le véhicule. Sur le plancher, cageots de pommes, échalotes, pommes de terre, patates douces, une grande caisse de carottes provenant des Jardins du coeur ont rejoint le matériel pour l’accueil des bénéficiaire: cafetière, bouilloire, ordinateur portable, une boîte avec les fiches d’inscription.
Sans oublier quelques sacs apportés par Roseline, de chez elle et du centre de distribution de Saint-Herblain où elle officie le reste de la semaine: “ Dans une commune, avec le centre itinérant, c’est au maximum vingt-cinq familles qu’on reçoit, alors, on a tout le temps de faire connaissance, de savoir ce dont ils ont besoin, ce qui pourrait leur faire plaisir. Là j’ai des vêtements, des chaussures et j’ai récupéré des petits bijoux qui nous ont été donnés par un magasin. Ça fera des petits cadeaux de Noël.

8h45. Arrêt minute à l’entrée de Notre-Dame-des-Landes. Chaque mardi matin, la boulangère offre une dizaine de baguettes toutes fraîches qui seront distribuées dans la journée. On traverse le bourg, contourne un panneau “route barrée” et quelques dizaines de mètres plus loin, on s’engage sur un parking qui donne sur une salle des fêtes en partie masquée par les arbres. Deux bénévoles de la commune sont à pied d’oeuvre et aident à débarquer les caisses de légumes

Première étape: passer prendre les baguettes offertes par la boulangère du « Pain des Landes »

9h, arrivée à Notre-Dame-des-Landes: Dominique décharge les cageots de légumes

9h15. Roseline a enfin trouvé du réseau sur sa clé 4G: l’ordinateur fonctionne, prêt pour de nouvelles inscriptions. Il n’y en aura pas. Un couple et un homme seul déjà inscrits depuis plusieurs semaines seront au rendez-vous, c’est tout. Un peu décevant: les statistiques des bénéficiaires du RSA montrent qu’à Notre-Dame-des-Landes de nombreuses personnes  pourraient s’inscrire aux Restos. On s’interroge. Peut-être qu’il s’agit de surtout de personnes qui habitent de la Zad et vivent en quasi-autonomie?
En milieu rural, il y a sans doute aussi le poids du qu’en dira-t-on. Même si la salle est à éloignée du bourg, même si aucun signe extérieur sur le fourgon blanc n’indique qu’il s’agit d’un centre des Restos du Coeur.  À moins, tout simplement, que de potentiels bénéficiaires soient au travail le mardi matin…

 

 

10h30. La cafetière est vide. Tout est rembarqué. Dominique reprend le volant, direction Casson. Avec le brouillard qui règne ce matin, ce sera la départementale plutôt que le raccourci par les petites routes qu’on vient de lui conseiller. Un quart d’heure plus tard, la camionnette arrive à destination: juste à côté de la mairie de Casson, une petite place plantée d’arbres et une petite salle fraîchement rénovée.

 

Dans le camion-épicerie, Catherine assure la distribution.

Chaque mardi, le centre de distribution itinérant s’installe pour une heure à Casson.

10h50. Le temps de brancher le courant et de tout débarquer, une mère de famille de trois enfants arrive avec ses sacs pour faire le plein de repas pour la semaine. Cette fois, dans le véhicule épicerie Catherine a laissé la place à Dominique, le chauffeur. Parce qu’il est important que dans l’équipe tout le monde puisse assurer toutes les tâches.
Des galettes de pois chiche? “Oui je veux bien.” Là où les visiteurs précédents rechignaient devant quelques propositions alimentaires un peu en dehors des sentiers battus, cette habitante de Casson est partante pour tout. Elle repartira aussi avec quelques bijoux et une paire de bottines pour sa fille aînée: “Si ça ne va pas, je les rapporte la semaine prochaine.”
Dominique remet en place  la fiche sur laquelle il a pointé toutes les catégories de denrées distribuées: “ Proposer de quoi faire six repas pour quatre personnes, c’est pas évident hein!

 

Midi. Pause déjeuner. Les premiers temps, en septembre, un pique-nique en plein-air convenait tout à fait, mais là, mi-décembre, avec à peine 5° dehors, le petit micro-ondes débarqué du camion est bienvenu pour se faire un plat chaud dans la jolie salle aux pierres apparentes. Repas terminé, tout est remis en place, la salle est bouclée, le camion quitte la petite place. Dominique et Catherine remettent en place les poteaux interdisant l’accès des véhicules non autorisés. Un saut à la mairie pour rendre les clefs et direction Héric.
13h. Arrivée à la dernière étape de la journée: une grande salle municipale donnant sur ce qui sera bientôt la place de la mairie d’Héric dont les nouveaux locaux sont tout juste terminés, pas encore inaugurés. Pour l’heure avec le vent glacial et la pelouse râpée, il y a plus accueillant. “Et ça n’est rien par rapport à la semaine dernière: on pataugeait dans la boue!” Le auvent qui équipera bientôt le véhicule sera bienvenu pour aller à pied sec du camion épicerie aux salles où se tient l’accueil.

La responsable du centre d’action sociale d’Héric a édité un flyer distribué indiquant les horaires de présence du centre itinérant dans les trois communes. Roseline en vérifie les horaires.

13h25. Plusieurs habitués du centre itinérant attendent déjà depuis un bon quart d’heure. La bénévole de la commune qui se charge d’aller prendre les clefs de la salle à la mairie arrive. Rallonge électrique, cageots, cafetière, ordinateur, casier avec les fiches des bénéficiaires… En un clin d’oeil, tout est installé. Roseline fait essayer une grosse doudoune noire qu’elle a apportée de chez elle: adopté! Les “clientes” se pressent autour des boucles d’oreille, colliers et bracelets, les essaient, les imaginent pour leurs filles. Ça discute, ça plaisante, café à la main… C’est aussi le moment pour parler de ses problèmes, un peu à l’écart des autres: “OK, on propose des rendez-vous gratuits avec des avocats. Je t’inscrits pour janvier« .

Depuis septembre, une relation de confiance a eu le temps de s’instaurer: les échanges entre bénéficiaires et bénévoles vont souvent au-delà des préoccupations alimentaires.

14h30. L’adjointe aux affaires sociales et la responsable du centre d’action sociale d’Héric viennent voir comment ça se passe. L’occasion de régler quelques problèmes pratiques. La salle n’est pas disponible la semaine prochaine, le centre devra s’installer dans un autre local à quelques centaines de mètres. Les horaires sont à rectifier sur le flyer distribué dans toute la communauté de communes pour faire circuler l’information sur les trois étapes des Restos le mardi. Comment aider ce jeune qui, tout à l’heure, a clairement exprimé sa crainte de passer Noël tout seul?
16h. Tous les bénéficiaires attendus sont passés. Il est temps de fermer boutique. Les rayons sont quasiment vides. Il reste pas mal  de carottes et un peu de patates douces. Tout est rembarqué, les tables sont remises en place. Dominique est déjà au volant: il faut encore rentrer à Treillières, nettoyer le camion, remettre au frais ce qui doit l’être… Catherine et Roseline plaisantent: “Pour la semaine prochaine, on va essayer de le convaincre de mettre un bonnet de Père Noël. Mais c’est pas gagné !
Deux tournées, en attendant mieux
Avec une capacité maximum de 600 repas distribués par jour, le centre itinérant, premier de la Région Pays de la Loire, est entré en service en septembre 2021. Il dessert des communes choisies pour le nombre important de bénéficiaires du RSA qui y résident sans être inscrits aux Restos. Des communes qui mettent à disposition un branchement électrique pour le frigo et le congélo du camion, et une salle pour l’accueil et l’inscription des bénéficiaires.
Dès le départ, deux tournées ont été mises en place: le mardi à Notre-Dame-des-Landes, Casson et Héric; le jeudi à Herbignac et Saint-Joachim et le centre itinérant s’installe également le lundi après-midi à Blain. Il y a une forte demande pour Montoir: le centre de Saint-Nazaire est trop éloigné pour permettre à de nombreuses familles bénéficiaires de s’y rendre.
Dans le département, il y a encore des “zones blanches”. Ce qui manque maintenant, ce sont des bénévoles en nombre suffisant pour organiser une autre tournée.
Un projet financé
Par respect pour les bénéficiaires et pour les bénévoles qui le mettent en œuvre, les Restos de Loire-Atlantique ont opté pour un fourgon tout neuf qu’ils ont fait équiper par des professionnels. La dépense est importante, d’autant qu’il a fallu aussi investir dans une chambre froide pour équiper le local où est basé le centre itinérant et dans deux véhicules légers pour assurer la ramasse dans des conditions sanitaires satisfaisantes (respect de la chaîne du froid). Un budget total de 85 000 € totalement financé par un don de la Fondation Lidl et des subventions publiques.